Yukie poussa avec un frisson la porte de la salle de théâtre. Ici, c'était son domaine, son endroit préféré. La salle était vide, obscure, poussiéreuse et glaciale. Aucune fenêtre n'ouvrait sur cette salle. Habituée, elle glissa sa main à tâton sur l'interrupteur. Dans un "clac" sonore, les projecteurs, monstres de lumières, braquèrent leur faisceaux vers la scène.
Elle dédaigna d'allumer les lumières qui éclairaient les rangées de fauteuils recouvert d'un lourd velour rouge déjà usé.
A pas lents, dans la semi-pénombre, elle monta l'escalier qui donnait sur la scène.
Elle regarda la salle, vide de tout public vivant, mais rempli de fantômes.
Elle même en était un. Un fantôme de chair, mais son âme flottait bien au delà de cette enveloppe charnelle. Ses pas claquaient avec bruit sur la scène, et elle en tirait une certaine fierté, elle ne savait trop pourquoi.
Elle se mit à ranger le bazar de la scène, dégageant faux nez et perruques dans la remise voisine.
Précautioneusement, elle s'était faufilée au milieu des instruments de musique, et avait fini par atteindre le piano à queue.
Immense, noir, laqué et majestueux, il en imposait. Presque respectueusement, la jeune fille ouvrit le capot, cala la tige pour en faire sortir le son et voir vibrer les cordes. Enfin, comme un rituel dont elle seule connaissait le secret, elle fit glisser sa main, comme une caresse, sur le couvercle, avant de le soulever et dévoiler les touches d'ivoire.
Yukie posa son sac en bandoulière, ramena le tabouret près du piano, et s'y installa.
Tout d'abord, elle resta figée, ne faisant rien de particulier que regarder les touches et les effleurer.
L'odeur poussiéreuse de la salle l'engloutissait toute entière. Là, elle avait tout oublié du monde extérieur.
Alors, elle se pencha, sortit de sa sacoche un livret de partition, et les posa sur le chevalet.
Elle fit quelques essais, rien que pour le plaisir d'entendre les notes s'envoler jusqu'au plafond de la salle, résonner dans cette pièce vide, et l'emplire toute entière.
Enfin, d'une voix douce, chantante et mélodieuse, elle entonna :[/b]
https://www.dailymotion.com/relevance/search/dante%27s+prayer/video/xev98_dantes-prayer-lorrena-mckennitt
(faite pas attention a la vidéo)
When the dark wood fell before me
And all the paths were overgrown
When the priests of pride say there is no other way
I tilled the sorrows of stone
I did not believe because I could not see
Though you came to me in the night
When the dawn seemed forever lost
You showed me your love in the light of the stars
Cast your eyes on the ocean
Cast your soul to the sea
When the dark night seems endless
Please remember me
Then the mountain rose before me
By the deep well of desire
From the fountain of forgiveness
Beyond the ice and the fire
Cast your eyes on the ocean
Cast your soul to the sea
When the dark night seems endless
Please remember me
Though we share this humble path, alone
How fragile is the heart
Oh give these clay feet wings to fly
To touch the face of the stars
Breathe life into this feeble heart
Lift this mortal veil of fear
Take these crumbled hopes, etched with tears
We'll rise above these earthly cares
Cast your eyes on the ocean
Cast your soul to the sea
When the dark night seems endless
Please remember me...
[i]Jamais prière ne fut entonnée avec autant de ferveur. Elle avait mit dans cette chanson, tout son coeur, tout l'amour qu'elle avait put donner.
La dernière phrase sonnait comme un appel, résonnait, ricochait sur les murs de la salle. Ses doigts n'avaient pas eu besoin de sa pensée, ils couraient tous seuls sur les touches blanches, comme des petites bêtes affolées.
Elle fit vibrer la dernière note, tout doucement....